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Par Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps

Cette lettre ouverte a  notamment été publiée dans les Coops de l’info et le journal Le Devoir

C’est avec une profonde émotion que j’exprime ces quelques mots au nom de la Fédération des cégeps et des 48 établissements d’enseignement collégial public qu’elle représente. Le départ de Guy Rocher marque la fin d’un siècle d’engagement indéfectible pour la justice sociale, l’éducation et la démocratie. Mais son héritage, lui, demeure plus vivant que jamais, et il continue de transformer le Québec, jour après jour. Coarchitecte de la Révolution tranquille, celui que l’on a à juste titre surnommé le « père des cégeps » a défendu toute sa vie un idéal : celui d’un savoir accessible.

Visionnaire et courageux, ce grand bâtisseur a bousculé les codes pour proposer un modèle qui distingue encore aujourd’hui le Québec. Le réseau des 48 cégeps est unique au monde, et nous le lui devons en grande partie.

Jeudi, les directrices et directeurs généraux des cégeps sont invités à la cérémonie d’hommage national de M. Rocher pour témoigner de la gratitude et de la reconnaissance partagées par la communauté collégiale et l’ensemble de la société québécoise. Leur présence illustre le lien vivant qui unit son héritage à la mission éducative des cégeps ainsi que l’engagement de tout un réseau à poursuivre son œuvre.

La démocratisation du savoir et l’accessibilité des études postsecondaires favorisées par la création des cégeps ont fait de l’éducation et de l’enseignement supérieur le socle qui a façonné le Québec tel que nous le connaissons aujourd’hui et qui nourrit encore notre vision collective. Ce modèle d’éducation, qu’on tient parfois pour acquis, a permis à des générations entières de jeunes, et particulièrement aux jeunes femmes, d’accéder à un savoir qui leur était autrefois refusé. Il a été un levier puissant d’émancipation et de mobilité sociale. Il a permis d’ancrer l’enseignement supérieur dans toutes les régions du Québec, contribuant ainsi à l’occupation du territoire, au développement régional et à la vitalité économique des communautés.

Il y a un an, Guy Rocher était invité par la Fédération des cégeps et l’Université du Québec pour souligner son 100e anniversaire. Avec un esprit vif, lucide et profondément engagé, il nous a rappelé à quel point les cégeps et le réseau des universités du Québec sont des trésors nationaux, parmi les plus grandes innovations sociales québécoises : « Lorsque je m’adresse à celles et ceux qui ont une autorité dans les cégeps et les universités, je commence par leur dire que je les aime, en raison de la grande responsabilité qu’est celle de diriger des institutions de haut savoir, si importante pour le Québec et pour l’avenir de notre société. »

Du haut de son siècle de vie, avec humilité, il voulait mettre en lumière le fait que les cégeps sont bien plus que des lieux de formation : ce sont des carrefours intellectuels, culturels et humains où la pensée critique se développe, peu importent les destinations scolaires ou professionnelles des personnes qui les fréquentent.

Dans toutes les régions, les cégeps accueillent une population étudiante diversifiée et continuent de favoriser la mobilité sociale, la formation de la relève et l’innovation. Cette année, alors que près de 195 000 étudiantes et étudiants franchissent leurs portes, un taux de fréquentation inégalé depuis leur création il y a près de 60 ans, les cégeps font face à des défis importants. Or, c’est précisément pour protéger et transmettre le legs de Guy Rocher que nous devons rester vigilants.

À une époque marquée par l’incertitude géopolitique, la désinformation et le repli identitaire, ce rôle des cégeps est plus crucial que jamais. Plus qu’un simple passage scolaire, le cégep est un lieu de réflexion collective. Il façonne des citoyennes et citoyens capables de comprendre le monde dans ses complexités et ses nuances. Honorer Guy Rocher, c’est donc aussi s’engager à maintenir ces lieux comme des espaces ouverts et inclusifs, propices à l’émancipation individuelle et collective.

À ce titre, il est juste que la mémoire de Guy Rocher soit conservée, célébrée et valorisée dans l’espace public. Nous souhaitons qu’un geste de reconnaissance durable — par exemple au Musée national de l’histoire du Québec — permette aux générations présentes et futures de saisir l’importance de ces choix institutionnels et des valeurs qui les ont guidés. La commémoration est une façon de traduire en patrimoine la reconnaissance collective que nous avons envers celles et ceux qui ont contribué à bâtir notre société.

Cette déclaration d’amour de Guy Rocher pour les cégeps, je la fais mienne. Chaque jour, je vois les personnes de ce réseau porter ces principes d’accessibilité, d’inclusion et d’égalité des chances qu’il a défendus toute sa vie. Chaque jour, je vois son héritage vivre et se renouveler.

Si nous avons besoin de nous le rappeler, tendons l’oreille.

La voix de Guy Rocher se fera toujours entendre.