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Par Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps

L’allocution prononcée a préséance sur le texte écrit.

Au lendemain du débat télévisé des chefs, le président-directeur général de la Fédération des cégeps, M. Gaëtan Boucher, a adressé une lettre à M. Lucien Bouchard et une autre à M. Jean Charest pour leur faire part de ses commentaires sur leurs programmes électoraux. À mi-campagne, la Fédération constate que l’éducation et l’enseignement supérieur sont presque absents des débats entre les partis politiques, ce qui laisse penser que le prochain gouvernement n’y accordera pas toute l’attention nécessaire. En substance, voici le contenu des lettres adressées aux deux chefs de parti.

Messieurs Lucien Bouchard et Jean Charest ont raison de faire de l’éducation l’une des grandes priorités du prochain gouvernement du Québec. C’est leur meilleur outil pour combattre le chômage et l’exclusion, aider les entreprises à innover, élargir l’accès à la culture et revitaliser les régions. L’ennui, c’est qu’ils n’en parlent pas, ou alors si peu. Il n’en a presque pas été question lors du grand débat télévisé des chefs, le 17 novembre! Et la campagne électorale touche presque à sa fin…

Cette absence de débat électoral en matière d’éducation a de quoi laisser perplexe. Car tout passe par l’éducation, et par l’enseignement supérieur de plus en plus. Quand M. Bouchard évoque la « société du savoir » et quand M. Charest se préoccupe de notre compétitivité en Amérique du Nord, tous les deux font en fait référence aux nouvelles exigences formulées au Québec à la veille du 3e millénaire. Et s’ils poursuivaient plus avant leur réflexion, ils concluraient eux-mêmes à la nécessité de revoir nos objectifs collectifs à cet égard.

Car la société québécoise des années 2000 devra être éduquée, et à l’évidence encore davantage. Une société du savoir, c’est une société qui fait de la connaissance — et par conséquent de la formation —, de son accroissement continu, son matériau le plus précieux. Les chiffres sont là pour le démontrer : entre 1990 et 1996, le nombre d’emplois au Québec a augmenté de 21 % pour les diplômés du collégial et de 37 % pour les diplômés de l’université, alors qu’il a chuté de 16 % pour les diplômés du secondaire ou d’un niveau moindre. Il faut donc amener le plus de Québécois et de Québécoises possible vers un premier diplôme d’études supérieures, le diplôme d’études collégiales.

De notre point de vue, c’est la meilleure manière d’envoyer un signal clair aux jeunes pour qu’ils soient plus nombreux à entreprendre des études collégiales et à les terminer. C’est aussi la meilleure manière pour le Québec de réussir son « virage du XXIe siècle ». Plusieurs grandes nations occidentales considèrent déjà l’accès du plus grand nombre à un diplôme d’études supérieures comme le fondement de leur croissance économique et sociale. C’est le cas des États-Unis notamment, où l’on affirme que pour assurer leur avenir les jeunes doivent obtenir leur diplôme collégial.

Une pièce maîtresse, la formation technique

Et cela est plus vrai encore dans les secteurs de pointe : le multimédia, les technologies de l’information et des communications, l’aéronautique, les biotechnologies et l’électronique, par exemple. C’est en grande partie sur ces secteurs scientifiques et technologiques que repose la nouvelle « économie du savoir », et ce sont surtout les diplômés des collèges et des universités qui la font avancer. Mais il faut former davantage de ces diplômés. C’est d’ailleurs ce que viennent de dire le Conseil de la science et de la technologie et des gens du milieu des affaires et de la recherche.

Le prochain gouvernement doit répondre à leur appel, et il a en main une carte maîtresse pour le faire : la formation technique collégiale, dont 37 programmes présentent un taux de placement de 100 %, 67 programmes un taux de placement supérieur ou égal à 90 %, et dont 23 programmes sont en pénurie significative de diplômés. Comment expliquer alors que personne dans cette campagne ne se soucie du développement de ce secteur clé? Cet objectif est absent des programmes électoraux, des engagements des partis politiques et de la réforme de l’éducation tout à la fois — ce qui est pour le moins difficile à comprendre.

Le Parti libéral du Québec a parlé de formation technique — à son avis, c’est l’une des meilleures options pour accéder à des fonctions de travail valorisantes —, mais les mesures qu’il propose, même si elles sont intéressantes, ne peuvent en aucun cas tenir lieu de programme. De son côté, le Parti Québécois n’en parle même pas, ou lorsqu’il le fait, il place systématiquement sous le même vocable formation professionnelle au secondaire et formation technique au collégial, ce qui crée inévitablement beaucoup de confusion. Pour faire progresser la formation technique, il faut une approche ciblée et des objectifs clairs. Et le prochain gouvernement doit s’en mêler : le développement de la formation technique, c’est aussi son affaire.

Avoir les moyens de ses ambitions

Messieurs Bouchard et Charest ont affirmé tous les deux qu’ils mettront fin aux compressions budgétaires en éducation dès l’an prochain s’ils sont élus — un engagement que les cégeps ont accueilli avec beaucoup de soulagement. La situation financière du réseau collégial public est au plus mal et « couper » davantage aurait été totalement irréalisable. Cependant, ni l’un ni l’autre n’a annoncé de réel réinvestissement en enseignement supérieur : le Parti libéral n’a jamais évoqué de nouvelles ressources, et parmi les 151 millions que le Parti Québécois compte injecter dans le système d’ici quatre ans, 20 millions tout au plus seraient attribués aux collèges. On voit tout de suite que cela ne nous mène pas très loin.

Car il faut remettre le réseau collégial d’aplomb. Nous ne pouvons plus attendre, nous fonctionnons depuis déjà trop longtemps dans des conditions intolérables. Nous attendons du prochain gouvernement qu’il consacre aux cégeps au moins 250 millions d’ici la fin de son mandat, afin qu’ils retrouvent leur niveau de financement d’il y a quatre ans, avant que ne débutent les grandes compressions. C’est un seuil minimal, si l’on considère tout ce qu’il y a à faire : remettre à flot les services directs aux étudiants, développer et faire évoluer les programmes, augmenter les taux de réussite, accélérer l’intégration des nouvelles technologies et restaurer un environnement éducatif de grande qualité, entre autres.

Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra refaire avec nous le choix de l’enseignement supérieur. Nos objectifs de société doivent prendre de la hauteur, et dans ce nouveau contexte les collèges ont un rôle de plus en plus grand à jouer. Miser sur l’enseignement supérieur et sur l’enseignement collégial, c’est en fait miser sur le développement personnel et collectif des Québécois et des Québécoises.