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COMMISSION DE L’ÉDUCATION
ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC

Projet de loi 123

Loi modifiant la Loi sur les collèges d’enseignement général
et professionnel
et la Loi sur la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial

AVIS DE LA FÉDÉRATION DES CÉGEPS
N/R : 2360

29 novembre 2002


Recherche et rédaction
Dominique Arnaud

Travaux de secrétariat
Estelle Ménard

Révision linguistique
Rolande LeBlanc Vadeboncœur


Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
4e trimestre 2002
PA 43-02

Fédération des cégeps
500, boulevard Crémazie Est
Montréal (Québec)
H2P 1E7
Téléphone : (514) 381-8631
Télécopieur : (514) 381-2263
www.fedecegeps.qc.ca
©Fédération des cégeps


INTRODUCTION

De façon générale, la Fédération des cégeps porte-parole officiel des 48 collèges publics du Québec — accueille favorablement le projet de loi 123, Loi modifiant la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel et la Loi sur la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial. La Fédération est en accord avec les principes directeurs qui sous-tendent le projet de loi et qui s’inscrivent dans le cadre de la modernisation de l’appareil d’État. La reddition de comptes, la transparence et une gestion axée sur les résultats et la mesure de la performance font déjà partie des pratiques de gestion des collèges pour remplir, de façon optimale, la mission d’enseignement supérieur que la Loi1 leur confie. C’est pourquoi ils ne peuvent que souscrire à la volonté de l’État d’enchâsser ces pratiques dans les textes de loi, notamment en ce qui concerne l’établissement d’un plan stratégique intégrant un plan de réussite et son évaluation par la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial.

Cependant, malgré un avis globalement favorable, la Fédération des cégeps désire faire part à la Commission de l’éducation de quelques réserves qui ont trait, notamment, à certaines dispositions des articles 1, 2 et 8 du projet de loi et de plusieurs recommandations pour l’enrichir et faire en sorte qu’il s’ajuste mieux aux réalités des collèges. La Fédération désire, par ailleurs, indiquer à la Commission de l’éducation certaines de ses préoccupations quant aux conditions à mettre en œuvre pour l’exercice d’une véritable imputabilité.

PRÉSENTATION DES COLLÈGES ET DE LEUR FÉDÉRATION

Les collèges gèrent un budget de 1,3 milliard de dollars, emploient près de 25 000 salariés dont 13 000 enseignants, comptent 182 000 étudiants dont 32 000 en formation continue, offrent 8 programmes préuniversitaires, 125 programmes techniques et des attestations d’études collégiales qui répondent aux besoins de formation et de perfectionnement de la main-d’œuvre et des entreprises. Ils mènent des activités de recherche et de transfert technologique dans les secteurs les plus névralgiques de la société du savoir. Présents sur tout le territoire québécois, les 48 collèges publics, les 28 centres collégiaux de transfert de technologie et les 5 écoles nationales constituent une force éducative, culturelle, économique, sociale, scientifique et technologique majeure pour le Québec et ses régions et sont reconnus désormais comme des leviers indispensables de développement des créneaux d’excellence2.

La Fédération, quant à elle, a pour mission de promouvoir le développement de l’enseignement collégial et elle agit comme porte-parole officiel du réseau collégial sur toutes les questions qui le concernent, en particulier dans les domaines de la pédagogie, du financement, des ressources humaines, des relations de travail et de la négociation des conventions collectives.

IMPUTABILITÉ, PERFORMANCE ET TRANSPARENCE, DES VALEURS DE GESTION

Mécanismes internes et externes d’imputabilité

Ce n’est pas d’hier que les collèges se sont donné des mécanismes de reddition de comptes et d’imputabilité. Chaque collège possède, en effet, une politique d’évaluation des apprentissages et une politique d’évaluation des programmes, prescrites par le Règlement sur le régime des études collégiales, une politique de gestion des ressources humaines et un règlement sur la réussite scolaire prescrits par le Règlement sur les règlements et politiques qu’un collège doit adopter et, depuis 2000, un plan institutionnel de réussite dont les paramètres se retrouvent dans le Régime budgétaire et financier des collèges.

En outre, depuis la réforme de l’enseignement collégial, le réseau collégial — et il est le seul ordre d’enseignement dans ce cas — est soumis au regard externe de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, un organisme indépendant du réseau collégial. C’est d’ailleurs la Fédération des cégeps elle-même qui avait recommandé, dès 1992, la mise en place de mécanismes d’évaluation comprenant, notamment, l’évaluation des collèges et l’évaluation du réseau collégial. Cela a résulté, en 1993, par la création, par Mme Lucienne Robillard, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science, de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial ayant pour mandat « d’évaluer, c’est-à-dire de porter un jugement formel de qualité sur la manière dont les collèges remplissent leurs responsabilités académiques. »3

Depuis 1993, les politiques institutionnelles d’évaluation des apprentissages et les politiques institutionnelles d’évaluation des programmes de chaque collège ont été évaluées par la Commission, qui a également porté un jugement sur la qualité de la mise en œuvre de plusieurs programmes d’études dans l’ensemble des établissements qui les offrent — Techniques d’éducation en services de garde, Informatique, Techniques administratives et Sciences humaines.

Par ailleurs, chaque collège termine actuellement son évaluation institutionnelle, soumise également au regard de la Commission, laquelle définit ainsi l’évaluation institutionnelle : « L’évaluation couvre les principales responsabilités, activités et réalisations qui sont rattachées à la mission du collège. Elle touche les aspects suivants : la précision des objectifs institutionnels, leur congruence avec la mission du collège et leur pertinence par rapport aux attentes des étudiants et de la société; l’adéquation du mode d’organisation et de gestion du collège; l’atteinte des objectifs institutionnels; la capacité du collège à assurer son développement; l’intégrité et la transparence des pratiques de communication.4 »

Plans institutionnels de réussite

Dès juin 1999, les collèges ont pris une série d’engagements pour augmenter la réussite et la diplomation et amener davantage d’étudiants à persévérer jusqu’au diplôme. Le premier a consisté à se doter d’un plan d’action institutionnel, un concept qui a d’ailleurs été repris par M. François Legault, alors ministre d’État à l’Éducation, lors du Sommet du Québec et de la jeunesse en février 2000. Depuis, tous les collèges ont mis en œuvre leur plan de réussite, lequel comporte des cibles globales d’augmentation des taux de diplomation : les objectifs d’amélioration fixés par chaque collège d’ici 2010 vont de 70 % à 87 % et les taux réseaux devront passer de 62 % à 76 % durant la même période.

En juin 2002, la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, chargée d’évaluer le plan de réussite de chaque établissement, a constaté le sérieux apporté par les collèges à l’opération et a attesté de la qualité de la très grande majorité des plans, ce qui, selon ses propres termes, « devrait permettre aux collèges d’atteindre les cibles visées ».

Plans stratégiques et rapports financiers

D’autre part, la très grande majorité des collèges possède un plan stratégique, sous forme de plan de développement institutionnel, d’orientations ou de projet éducatif. Ce plan est adopté par le conseil d’administration du collège qui exerce les droits et les pouvoirs du collège, en conformité avec la Loi, et il est ajusté annuellement dans le plan de travail de l’établissement. À titre d’exemple, dans un plan stratégique se retrouvent des orientations qui touchent, notamment, la pertinence et la qualité des programmes d’études, la réussite des étudiants, la gestion des ressources humaines, l’accessibilité du collège et son ouverture au monde, orientations qui se concrétisent dans le plan de travail annuel.

Enfin, l’article 27.1 de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel oblige chaque établissement à transmettre un rapport annuel au ministre sur son exercice financier précédent.

On peut donc affirmer, hors de tout doute, que le réseau collégial répond déjà largement aux exigences de l’État et aux attentes de la société québécoise en matière de qualité des services, de résultats, d’imputabilité et de transparence, et cela, dans le respect de la mission première que la Loi lui confie5.

RECOMMANDATIONS DE LA FÉDÉRATION

PREMIÈRE RECOMMANDATION

En ce qui concerne l’article 1 du projet de loi

Les collèges sont d’accord pour établir un plan stratégique qui couvre une période de plusieurs années, comportant l’ensemble des objectifs et des moyens que chaque collège compte mettre en œuvre pour réaliser sa mission et intégrant un plan de réussite. Ils sont également d’accord pour tenir compte des orientations du plan stratégique établi par le ministère de l’Éducation, mais à certaines conditions toutefois. En effet, le plan stratégique doit d’abord et avant tout être établi en fonction de la réalité et de l’environnement du collège, et en tenant compte de la situation financière de celui-ci. Parce qu’un collège doit prioritairement répondre aux besoins de sa population étudiante jeune et adulte et aux attentes de son milieu, et cela en conformité avec un volet de la mission que la Loi lui confie, et qui précise : « Un collège peut, en outre, contribuer, par des activités de formation de la main-d’œuvre, de recherche appliquée, d’aide technique à l’entreprise et d’information, à l’élaboration et à la réalisation de projets d’innovation technologique, à l’implantation de technologies nouvelles et à leur diffusion, ainsi qu’au développement de la région6. »

En conséquence, la Fédération des cégeps recommande que le libellé de l’article 1 du projet de loi qui ajoute l’article 16.1 à la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel mentionne clairement la priorité accordée à la situation du collège, qui doit primer sur le plan stratégique du ministère. L’article 16.1 de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel devrait se lire ainsi : « Le conseil de chaque collège établit, en tenant compte prioritairement de la situation du collège et par la suite des orientations du plan stratégique établi par le ministère de l’Éducation, un plan stratégique couvrant une période de plusieurs années. »

Les mêmes remarques s’appliquant au collège régional, l’article 5.1 de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel modifié par l’article 4 du projet de loi devrait se lire ainsi : « Le conseil d’établissement établit le plan de réussite du collège constituant en vue de son intégration au plan stratégique, en tenant compte prioritairement de la situation du collège et par la suite des orientations du plan stratégique du ministère. »

Par ailleurs, tout comme le plan stratégique du collège doit tenir compte des orientations du ministère, celui du ministère devrait tenir compte des plans stratégiques des collèges. À cet égard, la Fédération des cégeps estime que le ministère de l’Éducation devrait s’harmoniser avec les collèges lorsqu’il élabore son plan stratégique. Il y a là, selon la Fédération, une obligation de réciprocité.

DEUXIÈME RECOMMANDATION

Le troisième paragraphe de l’article 16.1 de la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel stipule que « Le conseil de chaque établissement transmet chaque année au ministre et à la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial une copie de son plan stratégique et le rend public. »

Un plan stratégique étant fixé habituellement sur un horizon d’au moins cinq ans, la Fédération recommande de supprimer les termes « chaque année » du paragraphe 3 de l’article 16.1 modifiant la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel qui devrait se lire ainsi : « Le conseil de chaque établissement transmet au ministre et à la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial une copie de son plan stratégique et le rend public. »

Pour des raisons de cohérence, la Fédération recommande d’ajouter à la fin du paragraphe 3 de l’article 16.1 la phrase suivante : « Si le plan stratégique du collège doit être actualisé, le collège en transmet une copie au ministre et à la Commission. »

TROISIÈME RECOMMANDATION

En ce qui concerne l’article 2

Si l’on considère qu’un plan stratégique devrait s’établir sur un horizon de cinq ans, les collèges prévoiront certainement des mises à jour à des moments clés de l’évolution de leur plan. Ces mises à jour pourraient s’effectuer aux deux ans, et faire l’objet d’un rapport d’étape.

C’est pourquoi la Fédération recommande de remplacer le libellé de l’article 2 par le suivant : « Aux deux ans, le collège remet au ministre de l’Éducation et à la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial pour information un rapport d’étape faisant état des résultats obtenus au regard des objectifs fixés dans le plan stratégique. »

QUATRIÈME RECOMMANDATION

En ce qui concerne l’article 8

L’article 8 du projet de loi modifiant l’article 16 de la Loi sur la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial précise que la Commission doit, sur demande du ministre, évaluer un ou plusieurs aspects de l’enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements.

Or, d’une part, la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial a été conçue comme un organisme indépendant — les commissaires étant nommés par le gouvernement —, et il ne faudrait pas qu’elle devienne le bras séculier du ministre. Au contraire, une certaine distance entre la Commission et le ministre doit être préservée afin que la Commission puisse continuer à exercer son jugement avec un regard externe indépendant et objectif.

D’autre part, la Commission doit conserver le choix de ses moyens pour atteindre les résultats relativement à une demande qui pourrait être formulée par le ministre.

C’est pourquoi la Fédération recommande de libeller ainsi l’article 8 du projet de loi modifiant l’article 16 de la Loi sur la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial : « Elle peut, sur demande du ministre, fournir un avis sur un ou plusieurs aspects de l’enseignement dispensé par un ou plusieurs établissements. »

L’IMPUTABILITÉ, UNE RESPONSABILITÉ COLLECTIVE À PARTAGER

La Fédération tient finalement à faire part à la Commission de l’éducation de certaines de ses réflexions quant à l’exercice d’une véritable imputabilité, laquelle doit nécessairement être une responsabilité partagée à tous les niveaux. Cela signifie que l’ensemble du personnel d’un collège, notamment le personnel enseignant, de façon individuelle et collective, doit être en mesure de garantir la qualité de ses interventions et d’en rendre compte. De plus, la reddition de comptes passe par des mécanismes de suivi et de mesure des résultats. C’est pourquoi la Fédération estime qu’une condition essentielle à l’imputabilité est la modernisation et le renouvellement de l’organisation du travail. Celle-ci doit être adaptée aux attentes de la société québécoise, responsable, plus souple et centrée sur une contribution optimale de toutes les catégories de personnel à la réalisation de la mission du collège.

Elle doit, en outre, permettre à chacun de témoigner publiquement et de façon transparente de sa contribution à la vie collégiale. La Fédération estime, par conséquent, qu’il faut demander une plus grande imputabilité à l’ensemble du personnel des collèges et, particulièrement, aux enseignants et aux coordinations départementales. L’enjeu est d’une importance majeure, car il faut que les collèges détiennent vraiment tous les leviers pour garantir la qualité des services et des programmes offerts aux étudiants jeunes et adultes du réseau collégial.

Par ailleurs, les seuls taux de diplomation ne donnent pas une juste image de l’ensemble des réalisations des collèges pour répondre aux exigences de la société québécoise en matière d’enseignement supérieur. C’est pourquoi la Fédération des cégeps recommande l’utilisation d’indicateurs additionnels — taux de placement, satisfaction des employeurs, taux de réussite la première année à l’université, notamment — afin de mesurer la performance des collèges, comme cela se fait ailleurs, par exemple en Colombie-britannique, en Ontario, en Alberta et dans la communauté européenne. La Fédération des cégeps est prête à collaborer avec le ministère de l’Éducation pour établir de nouveaux indicateurs susceptibles de donner un portrait plus complet des résultats du réseau collégial.

CONCLUSION

Le projet de loi 123 s’inscrit dans la continuité de ce que font déjà les collèges pour assurer la qualité de leurs programmes et de leurs services et pour répondre aux attentes de la société québécoise à leur égard. Ils sont prêts à faire un pas de plus dans le sens de la reddition de comptes et de l’imputabilité. Les corrections proposées au projet de loi par la Fédération des cégeps ainsi que ses recommandations quant à la nécessaire modernisation de l’organisation du travail, à l’importance de rendre toutes les catégories de personnel des collèges imputables et à l’utilisation d’autres indicateurs devront cependant être prises en compte si l’on veut que le projet de loi s’ajuste encore mieux aux réalités des collèges.


1 Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.R.Q. , c. C-29.

2 Rendez-vous national des régions, relevé des engagements, Gouvernement du Québec, 14 novembre 2002.

3 Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science et ministère de l’Éducation, Des collèges pour le Québec du XXIe siècle, avril 1993, p .20.

4 Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, L’évaluation institutionnelle, document d’orientation, guide, juin 2000.

5 Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.R.Q. , c. C-29, art. 6.

6 Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.R.Q. , c. C-29, art. 6.01a.