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AVIS DE LA FÉDÉRATION DES CÉGEPS
Commission de l’éducation
ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC

Fluctuations des clientèles dans le secteur de l’éducation
N/R : 2360

25 septembre 2002


Introduction

La Fédération des cégeps — Porte-parole officiel des 48 collèges publics du Québec1 — accueille avec intérêt les travaux de la Commission de l’éducation sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l’éducation. Ces travaux devraient, en effet, permettre d’amorcer une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour maintenir des services d’enseignement supérieur accessibles et de grande qualité sur tout le territoire québécois. Cependant, pour le réseau collégial, il ne s’agit pas là d’une préoccupation nouvelle, et des solutions durables, universelles et récurrentes ont déjà été adoptées par le ministre d’État à l’Éducation et à l’Emploi, M. Sylvain Simard, en avril 2002, suite à des travaux menés conjointement par le ministère de l’Éducation et la Fédération des cégeps2.

Par ailleurs, l’incidence de la décroissance démographique sur l’accessibilité à l’éducation demeure une question très complexe, qui concerne non seulement les réseaux d’éducation, mais aussi l’ensemble de la société québécoise. Peut-être faudrait-il y réfléchir de façon plus approfondie et faire à ce sujet, dans le même esprit que ce qui a été fait dans le domaine de la santé, un vrai débat de société?

Car, si l’on estime que le Québec moderne ne peut pas se passer de ses régions, il faut donner en conséquence à ces dernières les moyens de se développer de façon durable, ce qui passe obligatoirement par un effort accru de scolarisation postsecondaire des jeunes et des adultes. Un effort dans lequel les collèges, de par la mission même que leur confie la Loi qui les régit3, ont un rôle clé à jouer.

En ce sens, tous les collèges, quelle que soit leur situation démographique, doivent pouvoir continuer à se développer afin de remplir leur mission d’enseignement supérieur et de contribution au développement régional. Par conséquent, si de nouvelles solutions devaient être envisagées, elles devraient non seulement offrir aux établissements en baisse de clientèle les moyens de continuer à desservir leur région, mais aussi donner à ceux des régions qui vivent des hausses démographiques les outils pour continuer à assurer leur mission de formation.

LES CÉGEPS, UNE PRÉSENCE ESSENTIELLE DANS LES RÉGIONS
Portrait du réseau collégial

Quelques chiffres et données

Gérant un budget de 1,3 milliard de dollars, employant près de 35 000 salariés, comptant 183 000 étudiants dont 33 000 à la formation continue, offrant 8 programmes préuniversitaires et 125 programmes techniques, se composant de 48 collèges publics et de 5 écoles nationales et opérant 28 centres collégiaux de transfert de technologie, le réseau collégial constitue une force économique majeure et une carte maîtresse du développement des régions.

Issus de la volonté du gouvernement québécois d’assurer l’accessibilité à un enseignement supérieur de qualité sur l’ensemble de son territoire pour le plus grand nombre de jeunes et d’adultes possible, les cégeps sont solidement enracinés dans toutes les régions du Québec. La Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel leur confie d’ailleurs le mandat de « contribuer, par des activités de formation de la main-d’œuvre, de recherche appliquée, d’aide technique à l’entreprise et d’information, à l’élaboration et à la réalisation de projets d’innovation technologique, à l’implantation de technologies nouvelles et à leur diffusion, ainsi qu’au développement de la région4. »

Les cégeps sont un facteur important d’attraction et de rétention des jeunes et des familles dans les régions, puisqu’ils leur garantissent l’accès à l’enseignement supérieur. Ils contribuent aussi à la qualité de vie de la population des régions, notamment parce qu’ils soutiennent le développement économique et social, parce que ce sont des lieux de diffusion de la culture et des arts et parce qu’ils offrent de nombreuses activités sportives et communautaires. Ils collaborent, en outre, au maintien de services essentiels dans les régions, entre autres en santé, en formant des techniciens et des professionnels pour répondre à des besoins définis localement. On n’a pour s’en convaincre, qu’à se rappeler les difficultés majeures que peuvent vivre certaines régions lorsque leur établissement collégial n’a plus l’autorisation d’assurer une formation en demande (par exemple celle des infirmiers et des infirmières), pour des raisons, notamment, de recrutement insuffisant, et la mobilisation que ce genre de situation provoque dans le milieu qui cherche — et trouve d’ailleurs — des solutions5.

L’accès à un enseignement supérieur de grande qualité

Le réseau collégial québécois repose sur des valeurs d’accessibilité et d’égalité des chances pour tous. Grâce à ces valeurs de démocratisation de l’enseignement supérieur, le Québec a pu rattraper son retard sur le reste du Canada en matière d’éducation postsecondaire dès la création du réseau et faire passer son taux de scolarisation de niveau collégial de 6 % en 1967 à près de 10 fois plus aujourd’hui6.

D’une part, la formation préuniversitaire — à laquelle sont inscrits plus de 70 000 étudiants — donne aux jeunes l’accès à l’enseignement supérieur partout. Elle permet à toutes les régions de s’assurer de la préparation d’une relève très bien formée, possédant les compétences fondamentales nécessaires pour répondre aux exigences de la société du savoir et pour jouer leur rôle de citoyens informés et responsables dans une société fondée sur les valeurs démocratiques. C’est parmi ces jeunes formés dans les collèges que seront recrutés les futurs leaders du développement socioéconomique du Québec et de ses régions.

D’autre part, la formation technique permet aux entreprises des régions de disposer d’un personnel très qualifié, possédant des compétences larges et polyvalentes, capable de s’adapter rapidement aux changements technologiques et de faire preuve d’une grande autonomie d’action. Les chiffres sont éloquents : 95 % des employeurs sont très satisfaits des diplômés de la formation technique, dont le taux de chômage, pour les moins de 24 ans, n’était que de 4,1 % en 20017. Par ailleurs, nombreux sont ces techniciens formés dans les collèges qui créeront à leur tour leur propre entreprise et contribueront ainsi à la richesse et à l’emploi.

Un levier en matière de formation et de perfectionnement des adultes

En offrant des activités de formation continue qui correspondent aux besoins économiques, les collèges donnent aux entreprises et aux individus la possibilité de se perfectionner et de se recycler dans des domaines où se font sentir des demandes ou des pénuries de main-d’œuvre. Cette façon de faire constitue aussi un facteur majeur d’attraction et de rétention des entreprises en région qui doivent compter sur un personnel de plus en plus performant. En formation continue, les résultats sont également très probants : taux de diplomation à l’attestation d’étude collégiale (AEC) en 2000-2001 : 77,4 %. Taux de placement des détenteurs d’une AEC en 2000-2001 : 79,7 %8. Les cégeps, par ailleurs, développent des liens de partenariat très étroits avec leur milieu en vue de soutenir les grandes priorités économiques précisées par les régions elles-mêmes et offrir en conséquence des programmes adaptés à ces priorités.

Une contribution importante au développement scientifique et technologique

La recherche dans les cégeps a connu un essor important au cours des dernières années, particulièrement avec la création des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) qui mènent des activités de recherche appliquée et offrent de l’aide technique aux entreprises dans les secteurs clés de l’économie québécoise. Les 28 CCTT contribuent à l’émergence des créneaux d’excellence dans les régions — une priorité de l’État —, ils favorisent la création d’emplois de haut niveau, ils sont un soutien au développement scientifique et technologique du Québec et un outil stratégique de développement économique pour leur région. Leur contribution est largement reconnue dans la Politique québécoise de la science et de l’innovation, par le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, par les grands organismes gouvernementaux comme le Conseil de la science et de la technologie, et par les trois grands fonds de recherche du Québec, entre autres.

LE DÉFI DE L’ACCESSIBILITÉ DANS UN CONTEXTE DE DÉCROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE

Pour reprendre les mots mêmes de la Commission de l’éducation, la problématique de la décroissance de la clientèle en éducation trouve d’abord sa source dans la situation démographique du Québec où, au vieillissement de la population en général, s’ajoutent les pertes démographiques de plusieurs régions. Si certaines d’entre elles vivent une croissance, d’autres connaissent la situation contraire. Il arrive aussi que certaines voient leur économie se détériorer en raison de fermetures d’entreprises découlant souvent d’une conjoncture économique défavorable. L’affaiblissement de l’infrastructure économique se traduit par des emplois moins nombreux et moins attrayants pour ceux et celles qui voudraient demeurer dans la région ou encore par la perspective du chômage. De plus, la création de nouvelles entreprises devient difficile si les investisseurs ne peuvent pas trouver sur place une main-d’œuvre qualifiée à laquelle ils puissent offrir de surcroît un milieu de vie intéressant et stimulant9. Le Québec est ainsi en butte à un véritable cercle vicieux : l’appauvrissement des régions entraîne l’exode des jeunes, qui à son tour, provoque l’effritement du tissu social et de l’économie.

À l’instar des deux autres ordres d’enseignement, le collégial prévoit une décroissance de son effectif scolaire dans plusieurs régions du Québec au cours des prochaines années10. Selon les données du ministère de l’Éducation, d’ici 2010, dans certaines régions, les collèges pourraient perdre jusqu’à 33 % de leur population étudiante11. La décroissance démographique serait particulièrement sérieuse en Gaspésie, qui pourrait perdre jusqu’à 33,3 % de son effectif d’ici 2010, sur la Côte-Nord, 22 %, dans le Bas-Saint-Laurent, 25,4 %, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, 22,5 %, en Mauricie, 23,9 %, en Abitibi-Témiscamingue, 28,4 % et dans Chaudière-Appalaches, 25 %.

Par contre, certaines régions pourraient voir leur population augmenter. C’est le cas, en particulier, de la région des Laurentides, 21,7 %, de l’Outaouais, 19,6 %, de Laval, 16,3 % et de Montréal-Centre, 11,3 %.

Les défis, en matière d’enseignement collégial, sont donc là. Il faut assurer, dans toutes les régions du Québec, l’accessibilité à un enseignement supérieur de grande qualité, répondant aux attentes de chacun et aux besoins de la collectivité, à ceux du monde du travail, par exemple, dans un contexte de déséquilibre démographique. Et il faut donner à tous les collèges — qu’ils soient situés dans des régions en baisse démographique ou qu’ils le soient dans des régions en croissance démographique — les moyens d’assurer leur mission dans leur milieu, de continuer à répondre aux nouveaux besoins de formation et à ceux en émergence, de contribuer à l’essor économique du Québec et de se développer pour répondre aux attentes de leur région, aux exigences de la société du savoir et à la compétition internationale.

LES SOLUTIONS ADOPTÉES PAR LE MINISTRE D’ÉTAT À L’ÉDUCATION ET À L’EMPLOI

En avril dernier, le ministre d’État à l’Éducation et à l’Emploi, M. Sylvain Simard, a ratifié les recommandations du rapport conjoint de la Fédération des cégeps et du ministère de l’Éducation intitulé Baisse de l’effectif scolaire dans le réseau collégial public, état de situation et voies de solutions. Cette étude, qui est le fruit d’une longue réflexion et d’une vaste consultation, propose des voies de solutions qui devraient, d’une part, assurer le maintien de l’accessibilité aux études supérieures et, d’autre part, ouvrir de nouvelles avenues de développement, et cela, pour l’ensemble des collèges publics du Québec. Ces solutions correspondent à une injection gouvernementale de plus de 15 millions de dollars dans le réseau collégial en 2002-2003, qui sera réajustée en fonction de l’évolution de la situation.

Les effets souhaités par les mesures proposées sont de stabiliser la position de chaque cégep en atténuant les conséquences de la baisse de l’effectif scolaire, de procurer au réseau de nouveaux moyens d’offrir des programmes et des services répondant à des besoins définis et, le cas échéant, de se développer. Ces mesures sont le fruit d’un travail de collaboration soutenue entre la Fédération et le ministère de l’Éducation et l’aboutissement des efforts réalisés pour contrer les effets négatifs de la baisse de population étudiante. Elles se résument ainsi :

  • le maintien en 2002-2003 de la mesure d’aide aux collèges pour des dépenses autres que celle de l’enseignement
  • une allocation fixe à tous les établissements du réseau pour renforcer leur capacité de développement
  • des subventions à des collèges pour répondre à des besoins particuliers comme l’aide au transport scolaire ou la reconnaissance d’un centre de formation continue
  • une aide disponible pour les collèges qui utiliseront les TIC ou d’autres moyens pour favoriser l’accessibilité à la formation, particulièrement en région
  • une allocation pour soutenir en région des programmes de formation technique auxquels sont inscrits moins de 45 étudiants, qui ne sont pas en « doublon » dans la région concernée et qui présentent un nombre suffisant d’inscriptions en première année
  • un soutien financier pour les collèges qui rationaliseront leur offre de formation pour que certains programmes ne soient offerts que dans un seul collège d’une même région

D’AUTRES SOLUTIONS À ENVISAGER

Les collèges ont entrepris une réflexion approfondie sur la façon dont ils devraient évoluer afin de continuer à remplir leur mission d’enseignement supérieur dans un environnement en changement, notamment en raison de la décroissance démographique. Plusieurs solutions pourraient être envisagées dans le but de renforcer la présence de l’enseignement collégial dans toutes les régions.

Faire de la formation technique une priorité

Les régions ont besoin de la présence de ressources humaines de plus en plus qualifiées sur leur territoire. Le marché de l’emploi a connu une hausse spectaculaire du nombre d’emplois de niveau collégial : entre 1990 et 1998, il a augmenté de 33 % alors que la proportion d’emplois exigeant un diplôme d’études secondaires ou un niveau moindre a chuté de 16 %. Les entreprises exigent toujours davantage le diplôme d’études collégiales à l’embauche, dans tous les secteurs de l’économie et dans toutes les régions, parce que la formation technique répond à leurs exigences de qualification, particulièrement dans les secteurs en émergence. Dans le contexte d’une économie axée sur la connaissance, la formation technique permet aux régions de consolider certains créneaux d’excellence, ce qui répond aux objectifs gouvernementaux de développement des régions ressources12. Elle permet également aux jeunes de choisir des carrières d’avenir, ce qui contribue à les faire demeurer dans leur région.

Selon les prévisions d’Emploi-Québec dévoilées en juillet 2002, la demande totale de main-d’œuvre se situera à quelque 592 000 postes d’ici la fin de 2005. Près de 60 % des postes auxquels il faudra pourvoir demanderont des compétences de niveau technique ou universitaire ou du domaine de la gestion. Les métiers et professions les plus en demande se situeront dans des secteurs dans lesquels les collèges ont développé des champs d’expertise, dont ceux de la santé, des sciences naturelles et appliquées, du génie, des sciences sociales, des communications et du multimédia.

Cependant, malgré toutes les tendances de fond du marché du travail, la formation technique ne fait toujours pas partie des priorités gouvernementales. Le gouvernement a en effet investi très peu en formation technique. À titre d’exemple, entre 1997 et 2002, le nombre d’autorisations de programmes en formation technique n’a été que de 40, alors qu’il a été de 205 en formation professionnelle.

Il est donc normal que la formation technique devienne une priorité du gouvernement, qui doit la soutenir, la consolider, la développer et y investir les ressources nécessaires. Il faut, en particulier, envisager des programmes qui correspondent toujours mieux aux besoins du marché du travail et à l’acquisition des compétences. Il faut également se donner les moyens pour attirer en formation technique un plus grand nombre de jeunes et faire en sorte que l’existence de stages devienne une réalité dans tous les programmes.

Développer des centres d’expertise

Les collèges ont déjà des expertises dans des domaines particuliers de formation qui mériteraient d’être approfondies et renforcées. De plus, ils peuvent s’appuyer sur leur réseau de centres collégiaux de transfert de technologie qui constitue déjà l’ossature des futurs créneaux d’excellence auquel l’État donne priorité. Consolider leur expertise permettrait aux collèges de développer des masses critiques d’experts dans certains secteurs économiques essentiels pour le Québec, de les mettre au service de leur milieu, en particulier des entreprises, de contribuer activement aux efforts économiques régionaux et, pour les collèges en région, d’attirer une clientèle étudiante en provenance de partout ailleurs au Québec.

Consolider le réseau des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT)

L’existence des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), qui exercent des activités de recherche dans des secteurs clés de l’économie québécoise, joue en faveur de l’émergence de créneaux d’excellence régionaux et soutient le développement économique et scientifique régional.

Avec l’annonce faite, il y a quelques semaines, par le ministre d’État à l’Éducation et à l’Emploi de créer cinq nouveaux centres collégiaux de transfert de technologie13, le réseau des CCTT s’inscrit vraiment dans une stratégie efficace d’occupation du territoire : chaque centre contribuera désormais de manière directe au développement technologique et économique du Québec et des régions. Toutefois, certaines régions n’ont toujours pas de centre collégial de technologie, une lacune que l’État devra combler dans le cadre du budget gouvernemental 2003-2004. Par ailleurs, l’État devra aussi accentuer ses efforts en ce qui concerne le financement de l’ensemble des CCTT, comme l’avait déjà d’ailleurs recommandé la Politique scientifique québécoise et le Conseil de la science et de la technologie. En effet, ce financement est encore trop faible pour permettre aux centres collégiaux de transfert de technologie de passer la vitesse supérieure et d’augmenter leur volume d’activités de recherche, notamment de recherche générique — ce qu’ils doivent faire s’ils veulent appuyer encore plus le développement scientifique et technologique de leur région.

Améliorer l’accès des adultes à la formation

D’un autre point de vue, il faut accentuer les efforts en formation continue de manière à ce qu’un plus grand nombre d’adultes puissent bénéficier de la formation et du perfectionnement de niveau collégial. Il faudrait, notamment, améliorer l’accès des adultes à la formation à temps partiel, au moyen d’un financement adéquat, de telle sorte qu’ils puissent s’inscrire à tout cours à temps partiel, comme c’est le cas à l’université. À la faveur de cette amélioration, les collèges pourraient mieux répondre aux besoins de formation de la main-d’œuvre, en particulier des personnes occupant un emploi atypique comme les travailleurs indépendants, qui ont peu droit actuellement aux diverses mesures de formation de la main-d’œuvre. Il faudrait également mettre en place une organisation scolaire qui permettrait au secteur de la formation continue d’offrir aux étudiants des cours de jour comme de soir.

Encourager le développement des TIC en éducation

Les technologies de l’information et des communications (TIC) abolissent les distances. Elles pourraient de ce fait contribuer à augmenter efficacement la présence de l’enseignement collégial sur tout le territoire québécois. Dans cette perspective, il faudrait envisager le développement d’un modèle de formation offrant la possibilité de rejoindre des clientèles étudiantes qui ne viendraient pas autrement au cégep, pour des questions d’éloignement, entre autres.

Favoriser l’accueil des étudiants étrangers

Une autre solution au déclin démographique pourrait consister à accueillir plus d’étudiants étrangers dans les cégeps. Le Québec enregistre, en effet, un retard certain sur les autres provinces canadiennes en ce qui concerne l’accueil d’étudiants étrangers au niveau collégial. Pour l’année 1999-2000, le nombre d’étudiants étrangers par province était de 742 pour le Québec, de 1 871 pour les Prairies, de 6 631 pour l’Ontario, et de 8 225 pour la Colombie-Britannique.

Il importerait à cet égard de lever les obstacles qui empêchent les collèges du Québec de recevoir autant d’étudiants qu’ils le pourraient, notamment ceux qui sont liés aux droits de scolarité. Actuellement, le ministère de l’Éducation fixe les droits de scolarité des étudiants étrangers de 7 920 $ à 12 276 $ selon les programmes. Ces droits sont plus élevés que ceux des collèges privés, ceux du 1er cycle universitaire et ceux des autres provinces canadiennes. De plus, les droits sont déréglementés partout, sauf au Québec et au Nouveau-Brunswick; dans les autres provinces, les collèges décident du montant des droits et les conservent par la suite en totalité. Les collèges du Québec demandent donc la déréglementation des droits de scolarité des étudiants étrangers afin de disposer d’une marge de manœuvre pour recruter et accueillir un plus grand nombre de ces étudiants.

DES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE

Précisons ici que, pour exploiter l’ensemble de ces pistes de solutions, il y existe deux conditions de mise en œuvre, l’une rattachée au financement et l’autre, à l’organisation du travail.

Première condition : assurer un financement adéquat, stable et équitable du réseau collégial

Pour assumer pleinement leur mission dans leur région et assurer leur développement, les collèges doivent pouvoir compter sur un financement adéquat, stable et équitable. Si les collèges ont, à eux seuls, absorbé 265,5 millions de dollars de compressions, ils ont obtenu en revanche la part la plus modeste du réinvestissement, alors que leur financement est presque en totalité tributaire de l’État, ce qui n’est pas le cas des deux autres ordres d’enseignement qui, ayant d’autres sources de financement, ont des marges de manœuvre nettement plus importantes. En conséquence, leur niveau de financement n’est encore que de 80 % de celui de 1994. Il est donc nécessaire que l’État continue de réinvestir dans l’enseignement collégial de façon à lui permettre de bénéficier d’un niveau de financement acceptable.

Il sera aussi nécessaire d’assurer une répartition équitable des enveloppes budgétaires de la formation continue entre les réseaux d’éducation. Les collèges font partie de l’enseignement supérieur et ils devraient être financés à même une enveloppe budgétaire ouverte, comme c’est le cas à l’université.

Finalement, même si le ministère de l’Éducation doit garder une place prépondérante en ce qui a trait au financement des collèges, peut-être faudrait-il envisager la possibilité d’une diversification des sources gouvernementales de financement, pour ce qui est de certaines activités ciblées. D’ailleurs, les collèges reçoivent déjà du financement d’autres ministères que celui de l’Éducation. À titre d’exemple, le ministère de la Culture et des Communications contribue au financement des bibliothèques et des salles de spectacle, celui de la Recherche, de la Science et de la Technologie, au financement de la recherche et des CCTT. Ce mode de financement ne pourrait-il pas s’élargir et englober d’autres ministères, comme celui des Régions, ou celui de l’Industrie et du Commerce, qui seraient aptes ainsi à soutenir les collèges contribuant au développement économique régional?

Seconde condition : repenser l’organisation du travail

Pour continuer d’assurer un enseignement supérieur accessible et de grande qualité sur tout le territoire québécois et à répondre à des besoins de formation accrus et diversifiés, les collèges devront pouvoir s’appuyer sur des initiatives locales et régionales. Ils devront avoir la capacité d’adapter l’ensemble de leurs services aux nouvelles attentes et aux nouvelles exigences, ce qui passe par une organisation du travail renouvelée, c’est-à-dire adaptée et responsable, plus souple et centrée sur une gestion optimale des ressources. Il y a là un rendez-vous avec leur personnel que les collèges ne veulent pas manquer.

CONCLUSION

Pour la Fédération des cégeps, il est clair que les solutions à envisager afin de contrer les effets du déséquilibre démographique doivent l’être dans la perspective du maintien de l’accessibilité à un enseignement supérieur de grande qualité, répondant aux besoins du Québec et des régions. Et ces solutions doivent apporter aux collèges une stabilité financière suffisante afin qu’ils aient les moyens, d’une part, d’assurer leur mission, et, d’autre part, de continuer à se développer pour s’ajuster à l’ensemble des besoins de formation des jeunes et des adultes du Québec.

Par ailleurs, selon un portrait statistique des jeunes par région tracé par le Conseil permanent de la jeunesse14, 62 % des Québécois ayant dû quitter leur région pour le travail ou les études affirment qu’ils y retourneraient si les conditions d’emploi le leur permettaient. Selon ce même rapport, plus de la moitié de ceux qui sont partis aimeraient se réinstaller dans leur région.

Or, conjuguée à l’emploi, l’accessibilité à l’enseignement supérieur a une incidence directe sur l’exode des jeunes. Comme l’a déjà exprimé le Conseil permanent de la jeunesse dans un rapport précédent, « Pour les jeunes, il n’y a pas d’ambiguïté. Le premier pas vers l’exode, ce sont les études15 ». Pour la Fédération des cégeps, une telle assertion ne fait aucun doute non plus : offrir à la relève la même qualité de programmes de formation collégiale à laquelle ont eu droit les générations précédentes constitue à la fois une valeur fondamentale de société et une condition absolue pour assurer l’avenir du Québec et de ses régions. Cela exige, on le comprendra, le soutien de l’État et des membres de l’Assemblée nationale.

Annexe 1

LA FÉDÉRATION DES CÉGEPS

Créée en 1969, la Fédération des cégeps est le regroupement volontaire des 48 cégeps du Québec, dont elle est aussi le porte-parole officiel. La Fédération représente les cégeps pour toutes les questions qui les concernent auprès de leurs interlocuteurs — instances gouvernementales, organismes du milieu de l’éducation et du monde du travail, groupes sociaux, médias et grand public. Elle favorise la concertation, l’expression et l’adoption de positions communes et l’échange d’expertise. Elle offre à ses membres un ensemble de services professionnels, notamment en matière de pédagogie, de formation continue, de financement, de ressources humaines, de relations de travail et de négociation.

LE RÉSEAU COLLÉGIAL EN QUELQUES CHIFFRES

  • 48 cégeps présents dans toutes les régions du Québec
  • 5 écoles nationales, chacune rattachée à un cégep et spécialisée dans un domaine dont elle a l’exclusivité
  • 28 centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) exerçant des activités de veille, de recherche appliquée, de transfert technologique, d’aide technique à l’entreprise et d’information
  • 150 000 étudiants environ à l’enseignement ordinaire à temps complet16 :
    • 45,5 % au secteur préuniversitaire
    • 51 % au secteur technique
    • 3,5 % en session d’accueil et d’intégration
    • 57 % de filles et 43 % de garçons
  • 33 000 étudiants environ en formation continue17
  • 8 programmes préuniversitaires et 125 programmes techniques
  • Des attestations d’études collégiales (AEC) pour répondre de façon souple aux besoins de formation de la main-d’œuvre et des entreprises
  • Le personnel : 33 000 salariés, dont 20 000 enseignants
  • Taux d’accès à l’enseignement collégial : passage de 39,3 % en 1975 à 58,7 % en 2000-2001

Annexe 2

Prévisions de l’évolution de la clientèle dans le réseau des collège publics selon les régions et les années
Proportion (%) comparativement aux données de 1999

Source : La gouverne de l’éducation, logique marchande ou processus politique? Rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation 2000-2001, Conseil supérieur de l’éducation, novembre 2001.

__________
1 Voir Annexe 1 : La Fédération des cégeps et le réseau collégial en quelques chiffres

2 Baisse de l’effectif scolaire dans le réseau collégial public, état de situation et voies de solutions, ministère de l’Éducation et Fédération des cégeps, avril 2002.

3 Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.R.Q., c.C-29.

4 Article 6.01 a), Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.R.Q., c.C-29.

5 Radio Canada, nouvelles régionales Gaspésie—les Îles : Pour former de nouvelles infirmières aux Îles-de-la-Madeleine, 20 août 2002.

6 Taux d’accès d’une génération à l’enseignement collégial en 2000-2001, Indicateurs de l’éducation 2002 : 58,7 %.

7 La relance au collégial en formation technique, situation au 31 mars 2001, promotion 1999-2000.

8 Ibid.

9 Baisse de l’effectif scolaire dans le réseau collégial public, État de situation et voies de solutions, Fédération des cégeps et Éducation Québec, avril 2002.

10 Voir Annexe 2 : Prévisions de l’évolution de la clientèle dans le réseau des collèges publics selon les régions et les années.

11 Ibid.

12 Ministère des Régions, Les créneaux d’excellence, une autre façon de voir le Québec, 28 février 2002.

13 Les cinq nouveaux CCTT sont : le Centre de recherche appliquée en technologies maritimes (rattaché au Cégep de Rimouski), le Centre de transfert technologique en écologie industrielle (rattaché au Cégep de Sorel-Tracy), le Centre collégial de transfert en optique-photonique (rattaché aux cégeps de La Pocatière, André-Laurendeau et John Abbott), le Centre collégial de transfert de technologie en oléochimie industrielle (rattaché au Cégep de la région de L’Amiante) et le Centre collégial de transfert de technologie en transport avancé (rattaché au Cégep de Saint-Jérôme).

14 Journal Le Soleil, 17 août 2002, Mélanie Saint-Hilaire, « Tournée des régions du Québec », Conseil permanent de la jeunesse.

15 « Y a p’us d’avenir ici », L’exode des jeunes vers les centres urbains, Conseil permanent de la jeunesse, avis, novembre 1997, p.14.

16 Programmes menant à un diplôme d’études collégiales (DEC). Prévisions pour l’automne 2002.

17 2001-2002. Ne comprend pas les étudiants inscrits à des activités de formation sur mesure.